Toute l'actualité de l'engagement actionnarial par PhiTrust


Notre impact:
- 1450 initiatives privées
- 120 initiatives publiques
- 27 résolutions externes déposées

Depuis plus de dix ans, nous croyons que l’éthique du management et la gouvernance ont un rôle fondamental au sein des entreprises dans lesquelles nous investissons pour le compte de nos clients.
Face aux défis immenses de la crise que nous vivons aujourd’hui, nous sommes de plus en plus convaincus que nos entreprises cotées en Europe ont besoin d’actionnaires minoritaires actifs qui les aident à développer des stratégies innovantes pour répondre aux enjeux financiers, commerciaux et sociaux de notre monde actuel, et nous essayons d’y contribuer par notre stratégie d’investissement.

16 novembre 2016

La démocratie actionnariale a-t-elle encore un sens ?

À l'heure du Brexit et des élections aux États-Unis, les propos échangés et la violence des débats nous amènent naturellement à nous interroger sur la nature de la démocratie et plus précisément sur celle que nous privilégions dans les entreprises cotées et non cotées.

Par chance, l'agressivité des débats électoraux n'a pas encore déteint dans les Assemblées Générales, à part quelques cas limités et plutôt sans conséquence. Paradoxalement, l'apathie des investisseurs minoritaires face à des prises de contrôle rampante (Vivendi), la neutralisation du droit de parole en Assemblée Générale « pour laisser la parole à tous... » (Renault), voire des déclarations erronées (jamais mensongères) sont de vraies questions, certains se demandant si cela a un intérêt d'écouter des questions d'actionnaires « sans intérêt » et si la démocratie actionnariale n'est pas un leurre.

En effet, à l'heure du temps réel dans les marchés financiers, quelle n'est pas la stupeur de voir la difficulté de voter par Internet aujourd'hui en Europe. La France dispose par exemple d’un outil dit « de place » qui ne permet pas de voter pour des résolutions externes non approuvées par le Conseil d'Administration. Ce fut notamment le cas chez Solocal : trop de résolutions externes avaient été déposées, ce que le logiciel n'avait pas prévu ! Il est facile ainsi de limiter le droit des actionnaires avec des règlementations complexes (Italie) et des processus mal maitrisés par les actionnaires, les banques et même les entreprises !

De même, alors que tous les actionnaires pensent avoir les mêmes droits en Assemblée Générale, ils n'ont pour la plupart pas réalisé qu'au sein du CAC 40, les sociétés étrangères (Airbus, STMicro, Arcelor Mittal, Solvay...) n'offraient pas les mêmes droits pour le dépôt de résolution, les convocations à l'assemblée Générale, le Say on Pay sur les rémunérations des dirigeants...

En Angleterre, les sociétés cotées doivent adhérer à un code de conduite, pourquoi ne demanderions-nous pas aux sociétés cotées à Paris de devoir adhérer au code Afep-Medef, et ce quel que soit leur pays d'origine ? Cela aurait le mérite de donner un minimum de droits communs aux actionnaires des sociétés cotées à Paris, en espérant que le vote par Internet sera généralisé et permettra à la démocratie actionnariale de s'exercer pleinement.

Nous espérons que ces propos « de bon sens » seront entendus car il en va de la vitalité de nos entreprises. Si nous voulons que les actionnaires les soutiennent dans les moments heureux ou difficiles et qu'ils soient des actionnaires de long terme, il est important de leur permettre de dialoguer avec l'entreprise, de comprendre les enjeux et de poser les questions qui lui paraissent pertinentes. Beaucoup de dirigeants préfèreraient peut-être que leur société ne soit pas cotée, pour ne pas avoir à répondre à de nombreuses questions « sans intérêt », mais il est important que tous les actionnaires puissent s'exprimer, comme en politique : sans tabou, mais avec respect et professionnalisme pour permettre un dialogue constructif sur le long terme.

Nos entreprises auront beaucoup à y gagner, nous aussi !



Olivier de Guerre
Phitrust

11 octobre 2016

Alstom, les investisseurs ont eux aussi une responsabilité !

L'annonce par la direction d'Alstom de la fermeture du site historique à Belfort a créé un mélodrame dont les français sont friands, ce qui a amené l'État français à proposer un plan de 500 millions d'euros pour éviter la fermeture du site, et ce alors qu'il était proposé par l'entreprise de reprendre les salariés à 200 km de Belfort. Ce psychodrame à la française montre bien les limites de la gouvernance de nos entreprises aujourd'hui.

Difficile d'imaginer qu'Alstom recentré sur le ferroviaire peut être pérenne seul alors même que de nombreux concurrents existent sur ses principaux marchés, que ce soit en Europe, aux États-Unis ou en Asie. Les conseils en stratégie, banquiers d'affaires et investisseurs qui ont cru à un tel scénario ont, volontairement ou pas, créé une entreprise très dépendante de la commande publique, de cycles spécifiques à cette industrie, à ce secteur.

Difficile de comprendre comment les dirigeants d'Asltom aient pu annoncer la fermeture d'un site et le reclassement de ses employés à 200 km dans l'usine de Reischoffen sans que ne soit proposé, comme d'autres entreprises le font aujourd'hui, un plan de reconversion ou de formation avec le rachat des logements, pour favoriser l'insertion dans cette nouvelle ville.

Difficile de croire que les dirigeants d'Alstom ne se soient pas rapprochés du gouvernement, comme bien d'autres dirigeants le font aujourd'hui, pour préparer et anticiper la fermeture du site de Belfort, le premier ministre s'étonnant lui-même de l'avoir appris par les medias...

Difficile de comprendre comment l'État peut investir 500 millions d'euros pour « sauver » 450 emplois à Belfort, d'autant que les 50 000 chômeurs supplémentaires dénombrés cet été n'auront eux aucun droit spécifique et recevront des propositions de formation inadaptées à la demande actuelle des entreprises.

Difficile de comprendre l'attitude de certains syndicalistes qui refusent toute évolution géographique ou reconversion pour « protéger les salariés », sans prendre en compte la réalité économique, et acceptent d'être de fait le protagoniste d'une décision gouvernementale inique pour tous les chômeurs qui n'arrivent pas à trouver un travail.

Dans cet affaire tout le monde est coupable de ne pas essayer de travailler ensemble pour trouver des solutions acceptables par toutes les parties. Et vous serez peut-être un peu étonnés, mais les investisseurs sont eux aussi responsables... Comment les entreprises industrielles pourraient-elles assurer à leurs investisseurs des retours sur investissement élevés dans une période où l'inflation est faible et où la compétition acerbe (trop de capacité de production) oblige ces mêmes entreprises à de profondes restructurations pour survivre ?

Notre monde est en profonde évolution, liée à l'émergence de concurrents industriels dans les pays émergents, à la robotisation qui s'accélère, à « l'uberisation » des pratiques des entreprises par le développement des plateformes digitales et l'arrivée des imprimantes 3D qui vont révolutionner la fabrication de nombreux objets. Nos entreprises ne pourront survivre à ces changements sans le soutien de leurs actionnaires, qui doivent comprendre les enjeux et accepter que leur rendement soit plus faible voire négatif à court terme pour préparer l'avenir. Cela demande de la pédagogie de la part de nos dirigeants et administrateurs, mais aussi un changement culturel chez les investisseurs et gérants d'actifs. Y sommes-nous prêts ?



Olivier de Guerre
Phitrust

9 septembre 2016

Quelle gouvernance pour Vivendi ?

Depuis un an Vincent Bolloré, Président du Conseil de Surveillance de Vivendi, est sur tous les fronts médiatiques et opérationnels, modifiant profondément la stratégie, cédant des participations, entrant au capital de nouvelles sociétés (Ubisoft, Telecom Italia...) et intervenant directement dans des dossiers comme celui de Canal Plus. Cela nous amène, comme de nombreux observateurs, à nous interroger sur la gouvernance actuelle de Vivendi et son contrôle opérationnel (le groupe Bolloré n'étant que minoritaire, même si c'est le premier actionnaire).

Les statuts de la société différencient clairement la direction opérationnelle (Directoire) de son contrôle (Conseil de Surveillance). Compte tenu de la structure juridique validée en Assemblée Générale par les actionnaires, le Président du Conseil de Surveillance ne devrait pas avoir de rôle opérationnel.

Cette situation pose la question du contrôle de la société par un actionnaire minoritaire, non fondateur et qui n'a pas réalisé d'Offre Publique d'Achat pour en prendre le contrôle. Mais elle suscite aussi des situations inédites de conflit d'intérêt potentiel, quand Vivendi vient à la rescousse du groupe Bolloré en prenant une participation dans la société Telecom Italia, où le groupe Bolloré a déjà une participation, dans le but probable d'en prendre le contrôle...

Nous avions déjà l'an dernier, lors de la prise de contrôle rampante par le groupe Bolloré, souligné le risque de conflit d'intérêt quant à des intérêts patrimoniaux du groupe Bolloré, notamment chez Havas Advertising, qui peuvent créer en cas de synergie, rapprochement... des situations complexes où l'intérêt des deux parties n'est pas nécessairement convergent.

Le Conseil de surveillance devrait avoir un rôle vis-à-vis de l'ensemble des actionnaires et salariés, garantissant une équité dans les opérations entre deux sociétés détenues majoritairement ou minoritairement par le même actionnaire. Et ce n'est pas possible si le Président de ce Conseil de surveillance n'est pas une personnalité indépendante reconnue. Cela implique que M. Bolloré, s'il veut avoir un rôle actif, soit le Président du Directoire de la société. À moins que le groupe Bolloré ne lance une OPA sur la société Vivendi pour en prendre officiellement le contrôle, ce qui serait une situation sur laquelle les actionnaires auraient à se prononcer. 

Certains rétorqueront que ce ne sont qu'arguties juridiques et que l'intérêt de la société Vivendi est de réussir sa mue stratégique, M. Bolloré en étant le principal ordonnateur. Bien évidemment, mais ce dernier n'ayant qu'une participation minoritaire, il n'y a aucune raison à ce qu'il ne respecte pas la gouvernance de la société voulue par les actionnaires depuis plus de quinze ans.

La pérennité de nos plus belles entreprises tient bien évidemment à la réussite des stratégies mises en œuvre, mais aussi au respect de la gouvernance qui lie l'ensemble des parties prenantes. À défaut, la Place de Paris deviendra une place de « non droit » où tout est permis du moment que personne ne s'y oppose !

Les actionnaires qui sont majoritaires sont en droit d'exiger le respect de la gouvernance actuelle du groupe si Vincent Bolloré ne se résout pas à lancer d'OPA sur l'ensemble du groupe. Le feront-ils ?


Olivier de Guerre
Phitrust

8 septembre 2016

What is going on with Vivendi’s governance?

Over the last year, Vincent Bolloré, Chairman of Vivendi’s Supervisory Board, has been all over the media and busy on the operational front, bringing about significant changes to strategy, selling off stakes, buying shares in new companies (such as Ubisoft and Telecom Italia), and getting directly involved in issues, for example at Canal Plus. Like many observers, we have a few questions about governance at Vivendi at the moment, and about operational control (although the Bolloré group is the leading shareholder, it only has a minority stake).

The company’s articles of association clearly distinguish between operational management (Board of Directors) and control (Supervisory Board). According to the legal structure validated by the general meeting of shareholders, the Chairman of the Supervisory Board should not play any operational role.

This raises questions as to the control of the company by a minority shareholder – which is not a founding shareholder and which has not made a public bid to take over the business. It also leads to some unusual cases of potential conflict of interest: for example, Vivendi came to the rescue of the Bolloré group by taking a stake in Telecom Italia, in which Bolloré is already a shareholder, presumably with the goal of taking over the company.

Last year, as Bolloré pressed on with a creeping takeover, we highlighted the risk of a conflict of interest regarding the Bolloré group’s ownership interests, most notably with Havas Advertising which, in the case of synergies or a merger, could lead to complex situations where the interests of the two parties could well diverge.

The Supervisory Board should fulfil its role before the shareholders and employees to guarantee fair operations between two companies held – for a majority or a minority stake – by the same shareholder. This is simply not possible if the Chairman of the Supervisory Board is not a recognised independent figure. This means that if Mr Bolloré wants to play an active role, he should be Chairman of the company’s Management Board. That is unless the Bolloré group makes a public bid for Vivendi to take it over officially, something that the shareholders would be called to rule on. 

Some will say that this is mere legal wrangling and that Vivendi’s objective is to succeed in its strategic transformation, of which Mr Bolloré is the chief authorising party. There is no disputing that, but as Bolloré only has a minority stake, there is no reason for him not to comply with the corporate governance voted on by the shareholders more than fifteen years ago.

The sustainability of our finest companies obviously depends on the success of the strategies they implement, but also on compliance with the rules of governance that bind all stakeholders. Otherwise, the Paris marketplace would become something of a “lawless zone” where anything goes as long as no one speaks out!

Shareholders with a majority stake are entitled to demand compliance from the group’s current governance if Vincent Bolloré does not make a public bid to take over the group. But will they do so?


Olivier de Guerre
Phitrust

29 avril 2016

Rémunération de Carlos Goshn, une question centrale de gouvernance

L'Assemblée Générale de Renault a refusé le « say on pay » de Carlos Goshn lors de l'Assemblée Générale des comptes de 2015. Ce vote consultatif a été « entendu » par le Conseil qui a considéré que ce vote consultatif ne l'obligeait qu'à réfléchir pour les années suivantes...

De nombreuses réactions s'en suivirent qu'elles soient de la société « Les actionnaires ont suivi le vote de l’État français » ou d'hommes politiques appelant à plus de régulation dans le domaine des rémunérations des sociétés cotées en France. Il est vrai que ce vote consultatif n'oblige pas les conseils d'administration à suivre le résultat du vote, ce qui entraîne les nombreuses réactions actuelles.

Ce vote n'est en fait que le révélateur d'une mauvaise gouvernance chez Renault, qui a d'ailleurs été dénoncé depuis plusieurs années par de nombreux observateurs. Cette « mauvaise » gouvernance a amené de nombreux actionnaires à s'exprimer contre la rémunération de M. Goshn les deux dernières années, signes précurseurs du vote négatif cette année mais qu'il était facile d'anticiper.

La rémunération de M.Goshn au sein de l'Alliance Renault Nissan (>15 M €) est supérieure à celle des dirigeants de Toyota voire de Volkswagen... Cela étonne pour ne pas dire plus car même si l'Alliance est un succès, la stratégie de Toyota est remarquable et la rémunération de son dirigeant plus compréhensible que celle du dirigeant de l'Alliance.

La société Renault est aujourd'hui confrontée au fait qu'elle n'ait pas respecté les normes en vigueur dans les grands pays de l'OCDE. Même si ce n'est pas de la tricherie organisée comme chez Volkswagen, il est de la responsabilité directe de son PDG s' il y a des erreurs qui amènent à créer un doute sur la neutralité des émissions par les voitures produites par Renault (et Nissan par ailleurs). Il est incompréhensible que le Conseil d'administration ait attribué un package variable à M. Goshn compte tenu des éléments qui ont été publiés dans plusieurs pays et qui font peser un risque sur la société.

Renault rebondit grâce à son plan de « compétitivité », ce qui est un vrai résultat, mais cela implique nécessairement par ailleurs des limitations de salaire voire des « restructurations » qui obligent les dirigeants à ne pas bénéficier de primes si l'ensemble des salariés n'en bénéficient pas parallèlement. L'attribution de primes importantes à son premier dirigeant ne semble pas refléter la politique de rémunération dans l'ensemble de la société.

La question de gouvernance est aujourd'hui dans la centralisation de tous les pouvoirs des deux sociétés dans les mains de son PDG, les deux directeurs généraux délégués n'ayant pas été remplacés depuis leur départ il y a deux ans.  Même si cela peut paraître compréhensible pour certains, les investisseurs craignent, à la lueur de ce qu'ils ont connu par ailleurs, le pouvoir unique qui entraine invariablement une culture du non dit, voire de peur au sein de l'organisation, avec tous les risques intrinsèques que cela comporte.

Par le refus du Say on Pay de Carlos Goshn, les actionnaires ont voulu s'inquiéter auprès de leurs représentants en indiquant très clairement que le Conseil d'administration devait les écouter au risque de créer une défiance grandissante entre les actionnaires et les membres du Conseil.


Olivier de Guerre
PhiTrust

31 mars 2016

SIKA/SAINT-GOBAIN: What sort of shareholder democracy do we want?

In Switzerland, several minority shareholders in SIKA are contesting the purchase by Saint-Gobain of the family holding company that controls SIKA with 16% of the shares and multiple voting rights, guaranteeing it control of general meetings. These minority shareholders are contesting the transfer of ownership, taking the view that Saint-Gobain should launch a takeover bid for the SIKA Group, rather than buying the shares in the family holding company that controls SIKA at the list price.

Saint-Gobain is backed up by the company’s articles of association, which stipulate these multiple voting rights, legal under Swiss law; it is asserting its rights and the selling family is taking legal action against the SIKA Board, which withdrew the family’s voting rights at the general meeting. Following this transfer of ownership, relations between the controlling family, the Board – on which only one representative of the family sits – and the company directors are clearly poor.

Without getting into the details of this tussle for control of SIKA or taking a position on whether or not these two companies are complementary, this transaction is interesting because it is a good demonstration of the defects of a stock market where it is possible to take control of a company at a knock-down price. This is not Switzerland-specific, because it exists in Germany, in France (double voting rights) and even the US (multiple voting rights), to name but a few.

Saint-Gobain has the law on its side and its actions are bolstered by the transparency of the transaction to buy one company that controls another. These multiple voting rights are not attached to people but to a legal entity, which can be bought and sold. What is more, any investor investing in SIKA could find out about the existence of these multiple voting rights.

That inevitably raises a question for minority investors. It will be difficult for them to get rid of double and multiple voting rights quickly. Last year, PhiTrust unsuccessfully tried to limit their implementation in some French companies under the Florange Law, and they will now be hard to shake off in many countries. Investors would therefore be well-advised, before buying any shareholdings, to analyse the group’s control structure to see whether the creeping acquisition of a controlling stake without paying full price would be possible. This concerns a great deal of top companies in Europe and throughout the world, so they are not doing it most of the time!

The SIKA example is interesting in this regard because the Swiss minority shareholders are seeking a change to Swiss legislation to render double or multiple voting rights non-transferable. If they manage that, it would change power relationships in Switzerland and numerous people are weighing into the debate, making it all the more gripping. All the forces involved are preparing for battle, in the expectation that the arguments to come and the Swiss courts’ ruling will be a key milestone in European shareholder democracy.

We, as minority shareholders, must express our opinion, and it is particularly important that we do so in the context of the European Shareholder Rights Directive, which will make itself very clear on this subject. Let’s join forces!

 Olivier de Guerre
PhiTrust

                                                                                                                      

                                                                                                                                     

SIKA-SAINT GOBAIN, quelle démocratie actionnariale voulons nous ?

Plusieurs minoritaires de la société SIKA en Suisse contestent le rachat par St Gobain de la holding familiale qui contrôle SIKA avec 16% des actions et des droits de vote multiple qui lui assurent le contrôle en Assemblée Générale. Ces actionnaires minoritaires contestent la cession, considérant que St Gobain devrait faire une Offre Publique d'Achat sur le groupe SIKA et non pas acheter au prix fort les titres de la holding familiale qui contrôle SIKA.

St Gobain s'appuie sur les statuts de la société qui stipulent ces droits de vote multiple dans le cadre de la législation suisse, faisant valoir ses droits et la famille cédante attaquant en justice le conseil d'administration de SIKA qui lui a retiré ses droits de vote en Assemblée Générale... Après cette cession, les relations ne sont visiblement pas bonnes entre la famille qui contrôle, le Conseil d'Administration où ne siège qu'un représentant de la famille et les dirigeants de la société...

Sans entrer dans le détail de cette bagarre pour prendre le contrôle de la société SIKA ni prendre position sur la complémentarité ou non de ces deux sociétés, cette opération est intéressante car elle montre bien les défauts d'un marché boursier où il est possible de contrôler une société sans en payer le prix. Et ce n'est pas spécifique à la Suisse car cela existe en Allemagne, en France (droits de vote double...) ou même aux USA (droits de vote multiples) pour ne citer que ces pays.

Légalement, St Gobain s'appuie sur le droit et sur la transparence de l'opération en rachetant une société qui en contrôle une autre. Ces droits de vote multiple ne sont pas attachés à des personnes mais à une entité juridique qui peut être cédée. Et tous les investisseurs investissant dans SIKA pouvaient connaître l'existence de ces droits de vote multiple.

Cela pose inévitablement une question pour les investisseurs minoritaires. Il leur sera difficile d'arriver rapidement à supprimer les droits de vote double, multiples... PhiTrust avait essayé sans succès d'en limiter la mise en place dans certaines sociétés françaises l'année dernière avec la loi Florange et cela sera difficile de les supprimer dans beaucoup de pays. Les investisseurs seraient donc avisés avant toute prise de participation d'analyser la structure de contrôle du groupe pour voir si une prise de contrôle rampante sans en payer le prix serait possible. Et ils ne le font pas le plus souvent car cela concerne de très nombreuses sociétés de qualité en Europe ou dans le monde !

L'exemple SIKA est à ce titre intéressant car les minoritaires suisses cherchent à faire modifier la législation suisse de façon à ce que des droits de vote double ou multiple ne soient pas cessibles. S’ils y arrivent, cela modifierait les rapports de force en Suisse et de nombreuses voix s'en émeuvent, ce qui rend le débat encore plus passionnant. L'ensemble des forces en présence fourbissent leurs armes dans l'attente des plaidoiries à venir et la décision de la justice suisse sera un signe très important pour l'évolution de la démocratie actionnariale en Europe.

Nous avons en tant qu'actionnaire minoritaire à nous prononcer et il est important que nous le fassions, notamment dans le cadre de la directive du droit des actionnaires en Europe qui s'exprimera très clairement sur ce sujet. Mobilisons nous !


                                                                                                                         Olivier de Guerre

 PhiTrust

29 février 2016

3 nouveaux mandats d'administrateurs pour Clara Gaymard, est-ce raisonnable ?

Trois sociétés du Cac 40 Danone, Bouygues et LVMH ont annoncé qu'elles proposeraient à leurs actionnaires la nomination de Clara Gaymard (ex-Présidente de General Electric Europe) à leur Conseil d'Administration; elle détiendrait ainsi  quatre mandats d'administrateurs dans des sociétés cotées françaises étant déjà administrateur de Veolia, sans compter les autres postes qu'elle occupe par ailleurs au sein d'une fondation familiale ou du fonds de dotation du fonds d'investissement RAISE.

Il est vrai que son parcours professionnel son expérience sont très intéressants pour de grandes entreprises, son passage  dans la fonction publique ou au sein de grandes entreprises comme General Electric Europe étant à bien des égards remarquable et remarqué. Et comme toutes les grandes entreprises cotées recherchent des femmes pour respecter les quotas et la diversité !..

Mais est-ce bien raisonnable d'accepter quatre mandats d'administrateurs et probablement très rapidement des mandats dans des comités de ces conseils, alors que depuis de nombreuses années les administrateurs des grandes sociétés cotées constatent que leur charge de travail est de plus en plus importante, ne serait-ce que par le temps nécessaire à bien comprendre les enjeux de l'entreprise et les dossiers sur lesquels ils doivent se prononcer, et ce sans parler des documents de plus en plus importants à lire avant les conseils.

Les codes de gouvernance des grands investisseurs institutionnels recommandent de limiter le nombre de mandats des administrateurs non exécutifs car ils constatent que certains « cumulent ces mandats » et n'ont plus raisonnablement de temps libre pour prendre du recul et accompagner les entreprises dans lesquelles ils ont un mandat.

Un mandat d'administrateur demande aujourd'hui du temps et de la disponibilité... Et cette année les AG de Veolia où C. Gaymard  est administrateur et de Bouygues où elle pourrait être nommée se tiennent le même jour, le 21 Avril 2016 ! Cela semble incompatible avec la présence aux Conseils d'administration tenus avant les AG pour prendre connaissance notamment des questions écrites, voire des réunions avec les principaux collaborateurs, l'AG étant un moment souvent important pour les entreprises car les principaux dirigeants vivant à l'étranger sont à Paris ce jour là...

D'aucuns nous diront que ces questions d'agenda peuvent être gérées par avance, ce qui est vrai, mais cela montre bien que trop de mandats d'administrateurs peuvent nuire à la disponibilité nécessaire notamment pour bien comprendre ces grands groupes en passant du temps avec leurs équipes pour s'ancrer dans la réalité de l'entreprise et de ses collaborateurs.

D'autres nous diront qu'il est difficile de trouver des personnes de cette qualité aujourd'hui qui soient disponibles... ce que nous avons un peu de peine à croire si l'on élargit le champ des recherches à toute la France et aux 320 millions d'européens...


Il est probable que certains grands investisseurs institutionnels ne soutiendront pas la nomination simultanée de Clara Gaymard à trois nouveaux postes d'administrateur compte tenu des éléments dont nous avons parlé, et de la consanguinité que cela institue au sein des grandes entreprises françaises... Cela sera probablement mal interprété mais reflète bien l'ambiguïté actuelle entre l'appréhension des principaux dirigeants notamment familiaux sur le rôle des administrateurs indépendants et celui des grands investisseurs institutionnels qui d'expérience croient en la nécessaire disponibilité des administrateurs pour accompagner les entreprises. Et cela est bien dommage !
Olivier de Guerre
PhiTrust

Three new director mandates for Clara Gaymard. Is this reasonable?

Danone, Bouygues and LVMH, three CAC 40 companies, have announced that they will recommend their shareholders appoint Clara Gaymard (former CEO of General Electric Europe) to their Boards of Directors. The appointments would make her a director of four French listed companies since she is already a Veolia director. This isn't counting the other positions she holds in a family foundation and in the endowment fund of the RAISE investment fund.

It's true that her career and experience are of great interest to large companies. The time she has spent in public service and at major corporations like General Electric Europe has been remarkable in many respects and has been noticed. And given that all major listed companies are currently seeking women to meet diversity quotas...

However, is it reasonable to accept four directorships and, probably, positions on board committees in the near future? All the more so given that, for many years now, the directors of major listed companies have stated that their workloads are becoming heavier and heavier. This is due to the time required to fully understand company challenges and the issues on which they have to decide, as well as the increasingly voluminous documents they must read before board meetings.

The codes of governance of large institutional investors recommend that the number of mandates of non-executive directors be limited. This is because the former have noticed that some directors "accumulate mandates" and no longer have enough time to take a step back to assist the companies in which they hold a position.

A director mandate requires time and availability... Moreover, the General Meetings of Veolia, where C. Gaymard is a director, and of Bouygues, where she may be appointed, are both being held on 21 April 2016! This seems incompatible given the need to be present at the Board of Director meetings before the General Meetings to review written questions, among other things, and, potentially, to attend meetings with colleagues. The General Meeting is often an important time for companies because the main executives living outside of France are normally all in Paris on that day...

Some will say that these agenda issues can be managed in advance, which is true. However, they do highlight the fact that too many director mandates can impact availability. It takes time to gain a full understanding of a large group through meetings with the teams which provide a firm grounding in the everyday life of the company and of its employees.

Others will say that it's difficult to find people of this calibre who are actually available...which we find somewhat difficult to believe given that a search can be broadened to all of France and to 320 million Europeans...


It's likely that certain major institutional investors will not support Clara Gaymard's simultaneous appointment to the three new director positions given what we have pointed out above and the inbreeding it would lead to within major French corporations... This will probably be misinterpreted, but it does clearly reflect the current ambiguity between the apprehension of leading executives, notably of family businesses, about the role of independent directors, and that of major institutional investors who, from experience, believe that it is necessary for directors to be available to provide support to their companies. And, that's really a shame!


Olivier de Guerre
PhiTrust

31 janvier 2016

Le nouveau label officiel ISR apporte t il une nouveauté ?

Les décrets liés au nouveau label ISR promu par les pouvoirs publics en France ont été publiés fin décembre, mais force est de constater que sa mise en œuvre sera difficile compte tenu des questions que soulève sa mise en place.

Ce label a été voulu par certains grands gestionnaires d'actifs qui souhaitent labelliser ISR l'ensemble de leur gamme après un épisode fâcheux avec une équipe de France Télévisions qui s'était étonnée que certains fonds de la place labellisés ISR détenaient dans leur portefeuille des sociétés qui manifestement n'auraient pas dû y être.

Au lieu de proposer un label plus strict, les pouvoirs publics ont suivi en partie la volonté de ces grands acteurs en approuvant des méthodologies d'analyse moins strictes que certains labels existants et pouvant donner lieu à différentes interprétations... Il est vrai que depuis de nombreuses années la plupart des gestionnaires ISR ont privilégié une approche "best in class" qui qualifie pour ce type de gestion des entreprises qui sont "les meilleures de la catégorie" ce qui fait que la plupart des entreprises du CAC 40 par exemple en font partie... Difficile dans ces conditions de prôner un label avec des conditions plus strictes ce qui écarterait de facto certaines grandes entreprises qui ont régulièrement des prix pour certaines de leurs actions alors que par ailleurs elles ont encore beaucoup à faire pour être reconnues par des labels avec des conditions plus strictes.

La place de Paris propose ainsi une démarche pour que le grand public comprenne plus facilement l'investissement socialement responsable, tout en acceptant que les conditions requises soient atteignables par le plus grand nombre de ces entreprises, ce qui permet bien évidemment aux gestionnaires d'actifs de continuer a gérer sans modifier leurs pratiques et ce, bien sûr, pour une plus grande diversité de portefeuille...

Cela ressemble fortement aux récentes décisions européennes de réduire les obligations pour les émetteurs de NOX ou de CO2 pour que tous les constructeurs automobiles européens soient en conformité avec la législation...

Et cela ne tient pas compte de l'évolution actuelle de tous les gestionnaires d'actifs qui ne peuvent plus investir sans prendre en compte les contraintes environnementales ou sociales sans risque majeur de voir leurs investisseurs ne pas comprendre pourquoi telle ou telle société est encore dans leur portefeuille. L'ensemble des gestionnaires (y compris dans l’investissement non coté) ne peut plus aujourd'hui investir sans tenir compte de ces critères ESG.

Pourquoi alors promouvoir un label ISR qui n'apporte rien de plus et dans lequel la plupart des gestionnaires d'actifs pourront être validés ? Visiblement la place de Paris a encore plusieurs années de retard et s'adapte avec difficulté à un marché qui a déjà évolué, beaucoup de gestionnaires français (plus petits) ou étrangers ayant développé des produits thématiques avec une volonté de montrer la rationalité de la stratégie mise en œuvre pour atteindre des objectifs ESG bien identifiés.


La place de Paris aurait pu être très en avance en proposant un label strict et thématique qui permettait aux investisseurs de mieux s'y reconnaître. Malheureusement elle a choisi une voie moins contraignante au risque de voir ce label peu utilisé ou disparaître faute de combattants. Dommage qu'il ait fallu plus de trois ans pour en arriver là !

Olivier de Guerre
PhiTrust

Does the new SRI label bring anything new to the table?

The decrees related to the new official SRI label promoted by the government authorities in France were published at the end of December. but its implementation will be difficult given the questions arising relating to its setup.

This label was sought by certain large asset managers who wanted to label their entire range as SRI after an annoying episode with a team from France Télévisions. The team was astonished that certain SRI-labelled funds on the market held companies in their portfolios that clearly should not have been there.

Instead of proposing a stricter label. the government authorities partly followed the proposals of these major players. by approving less strict analysis methodologies than certain existing labels and which can give rise to varying interpretations. For years. most SRI asset managers have favoured a best-in-class approach. which. for this type of management. qualifies companies that are "the best in the category". That includes. for instance. most companies on the CAC 40. Under these conditions. it is difficult to recommend a label with stricter conditions. which would eliminate de facto certain large companies that regularly receive awards for their actions whilst. elsewhere. they have still have a lot to do to be recognised by labels with stricter conditions.

The Paris market therefore offers an approach so that the general public can more easily understand socially responsible investment. whilst accepting that the required conditions are achievable by the greatest number of these companies. which allows asset managers to continue to manage without modifying their practices for greater portfolio diversity...

This closely resembles recent European decisions to reduce the obligations for emitters of NOX or CO2. so that all European car manufacturers comply with the legislation.

And that does not take account of the current changes affecting all asset managers. who now must always take into account environmental and social constraints. Otherwise. their investors may not understand why certain companies are still in their portfolio. Asset managers (including in unlisted investments) can no longer invest without taking these ESG criteria into account.

So why promote an SRI label that brings nothing new to the table and that most asset managers will be able to obtain? The Paris market clearly remains several years behind and is adapting with difficulty to a market that has already evolved. as many French (smaller) and foreign asset managers have developed theme-based products with a desire to demonstrate the rationality of the strategy implemented in order to achieve these well-identified ESG objectives.


The Paris market could have moved well ahead by offering a strict. theme-based label that investors could better identify with. Unfortunately the Paris market has chosen a less restrictive path. though it means the label may be underused or disappear entirely due to a lack of participants. It's a shame that after more than three years. this is where things stand!

Olivier de Guerre
PhiTrust