Toute l'actualité de l'engagement actionnarial par PhiTrust


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Depuis plus de dix ans, nous croyons que l’éthique du management et la gouvernance ont un rôle fondamental au sein des entreprises dans lesquelles nous investissons pour le compte de nos clients.
Face aux défis immenses de la crise que nous vivons aujourd’hui, nous sommes de plus en plus convaincus que nos entreprises cotées en Europe ont besoin d’actionnaires minoritaires actifs qui les aident à développer des stratégies innovantes pour répondre aux enjeux financiers, commerciaux et sociaux de notre monde actuel, et nous essayons d’y contribuer par notre stratégie d’investissement.

24 décembre 2009

Rémunérations : Changer les règles pour retrouver un consensus social.

Alors que l’on pouvait croire que le débat sur les rémunérations était clos en France et dans le reste du monde avec les déclarations d’intention du G20 et celles de nombreuses instances patronales, la polémique rebondit très vivement en Suisse suite à l’annonce d’une hausse des salaires fixes des banquiers d’UBS ( pour éviter qu’ils ne partent à la concurrence), aux Etats Unis avec la décision de Goldman Sachs de mettre en réserve 50% des ses profits ( les plus hauts historiquement enregistrés), et en France avec la décision de BNP Paribas de mettre en réserve des bonus, et ce alors même que le système financier ne survit que grâce à l’intervention massive des états et banques centrales. Pourtant il y a une grande différence entre certaines banques qui attribuent des bonus sous forme d’actions gratuites qui ne peuvent être vendues pendant 3 ou 5 ans et d’autres qui attribuent des bonus équivalents en « cash » et offre des stock options à leurs salariés : les premiers ont perdu leurs bonus attribués les 3 ou 5 dernières années avec la crise, les seconds ont touché le « cash » (souvent très important) et n’ont perdu qu’une opportunité de lever leurs stocks options.

Cette situation a amené l’Angleterre, la France et l’Allemagne à décider une taxation sur les bonus payés en cash supérieurs à 25 000 €, la banque Goldman Sachs à Londres proposant depuis à ses banquiers londoniens de s’installer à Madrid pour ne pas avoir à payer une telle taxe !

En écoutant les commentaires et les critiques (Rien n’a changé, tous des voleurs …), il nous semble nécessaire dans ce débat de distinguer les responsabilités des uns et des autres, car ce n’est pas en criant à l’imposture (Tartuffe, dit même le journal l’Humanité) sur les recommandations du G20 qu’une solution « équitable » sera trouvée.


1. Du rôle des Conseils d’Administration,


En premier lieu il est de la responsabilité des Conseils d’administration de s’assurer que la politique de rémunération mise en place au sein de l’entreprise est bien en ligne avec les objectifs stratégiques de l’entreprise dans l’intérêt de TOUTES les parties, c'est-à-dire les salariés, les actionnaires et l’environnement de l’entreprise (souvent appelés les « stakeholders »). Le Conseil doit notamment s’interroger sur quelques principes fondamentaux :

- Certains salariés peuvent ils percevoir des bonus si les autres n’en perçoivent pas, soit parce que les évolutions de salaires sont gelées, soit parce que l’entreprise ou certaines de ses activités ne sont pas rentables ?

- Quel est l’échelle de salaire visée, c’est à dire l’écart de salaire entre le plus haut salaire et le plus bas, le plus haut et le salaire moyen, entre deux niveaux de salaires successifs … ?

- Est-ce qu’il est raisonnable pour le bien de l’entreprise que les salaires fixes soient durablement bas, impliquant des éléments variables très importants (par exemple supérieurs très largement à deux fois le salaire fixe) ?

- Quel pourcentage des résultats ou de la valeur ajoutée sont versés aux salariés, aux actionnaires ou gardés en réserve pour le développement de l’entreprise ?

- Quels critères de performance retenir pour l’attribution des bonus, critères qui doivent tenir compte des risques associés à l’activité mais aussi du cadre dans lequel cette activité est exercée (un « trader » pourrait il exercer son activité sans Fonds Propres, et dans ce cas quelle est la rémunération de la mise à disposition de Fonds Propres, d’une infrastructure, du droit d’accès à des marchés globaux … ) ?

- Afin de réconcilier performance et risque, comment associer sur plusieurs années au développement de l’entreprise ceux qui perçoivent ces rémunérations variables (paiement différés, vente des actions sur plusieurs années, investissement des stocks options …) ?


2. Du rôle des actionnaires


En deuxième lieu il est de la responsabilité des Conseils d’Administration de présenter et d’expliquer à leurs actionnaires la politique de rémunération mise en œuvre au sein de l’entreprise alors même que la plupart d’entre eux considèrent que ce sujet n’est pas du ressort d’une Assemblée Générale :

- La question du partage des résultats ou plus justement de la valeur ajoutée n’est elle pas une question à discuter entre actionnaires ?

- Les principes d’échelle des rémunérations ne sont ils pas une information importante à discuter en Assemblée Générale (information d’ailleurs demandée en France dans le « rapport social » très rarement communiqué en Assemblée aux actionnaires) ?

- Le traitement comptable de la réalisation dans le temps des opérations impliquant le paiement immédiat de bonus très importants ne sont ils pas des informations fondamentales pour les actionnaires (notamment pour les banques, mais aussi pour l’aéronautique et bien d’autres)?

L’assemblée Générale de par sa diversité et sa transparence est de fait le lieu naturel où ces questions doivent être débattues pour éviter que certaines décisions soient mal comprises ou interprétées car elles sont prises dans le cercle (trop ?) restreint du Conseil d’Administration et il est urgent que les administrateurs réalisent qu’ils sont élus par les actionnaires et doivent leur rendre compte des sujets qui leur paraissent fondamentaux pour respecter l’équilibre des pouvoirs au sein de toute entreprise qu’elle soit cotée ou non.

3. Du rôle des politiques

Le politique doit mettre en place un cadre qui permet aux entreprises de créer de la richesse en harmonie avec leur environnement qu’il soit fiscal, social … et en tenant compte à la fois de la diversité des entreprises et des contraintes auxquelles elles sont confrontées tous les jours notamment à cause de la concurrence fiscale et de la globalisation. Alors même que dans tous les grands pays développés la question des salaires fixes et variables est devenu un enjeu de société, Il leur sera très difficile d’imposer des solutions globales compte tenu de la diversité des situations et des différents pouvoirs ne voulant pas remettre en cause les règles actuelles ( si tant est qu’il y en est).

A notre sens, le politique a encore toute légitimité pour agir rapidement sur trois points :

- Le principe des bonus: imposer à toutes les banques une règle uniforme de paiement variable des bonus qui ne peut s’appliquer que si les opérations sous jacentes justifiant le paiement des dits bonus sont réalisées et clôturées et interdire le paiement de bonus sur des opérations non clôturées. La BRI à Bâle imposant des règles prudentielles universellement appliquées, elle pourrait par exemple demander l’application d’une telle règle comptable « prudente »,

- La fiscalité des bonus : proposer une fiscalisation « homogène » entres les pays du G20 pour les bonus reconnus comme importants pour éviter des délocalisations d’équipes, de managers qui déstabilisent les entreprises et les obligent surpayer leurs meilleurs managers pour qu’ils ne partent pas à la concurrence,

- Le vote en Assemblée Générale : Au Royaume Uni le rapport sur les rémunérations des mandataires sociaux est voté en Assemblée Générale. Une telle mesure n’empêche pas certaines dérives (car elle n’est que consultative), mais elle a permis récemment de « recadrer » la politique de rémunération de grandes entreprises anglaises, certains rapports étant refusés en Assemblée. En France seuls les retraites chapeaux et indemnités de départ sont mises au vote en convention réglementée ; Pourquoi le législateur s’est il arrêté là, et pourquoi malgré tous nos efforts cette année pour proposer dans ce cadre des conventions réglementées un vote sur les rémunérations, le politique s’y refuse-t-il ?
Ne nous étonnons pas de réactions très violentes dans le futur si les citoyens constatent pour les rémunérations des dirigeants et de certains salariés « des dérives » qui sont en outre prises dans des cénacles restreints au lieu d’être mis au vote de tous les actionnaires en Assemblée Générale. De telles décisions ne peuvent qu’amplifier le sentiment d’exclusion « du gâteau » et de rancœur générale alors même que des licenciements sont vécus par de très nombreux salariés dans le monde.

Les banquiers ont du mal à comprendre ces réactions car ils présentent aujourd’hui des performances financières très élevées (notamment dues à une politique monétaire créant de facto un écart important entre le taux de refinancement et des banques et ceux des prêts accordés à la clientèle) et que l’ensemble des acteurs considèrent qu’ils ont été « sauvés » par les états et donc par nos impôts !

Restaurer la confiance passe aussi par une « moralisation » des rémunérations et donc par des mesures simples qui puissent être mises en œuvre rapidement, soient acceptées par tous les salariés de chaque entreprise et compréhensibles par nos concitoyens. Il y a urgence ! Il serait dommage de ne pas profiter de cette prise de conscience généralisée pour répondre la demande croissante de justice dans cette période très troublée.

28 février 2009

ACCOR: la modification du seuil de déclenchement des OPA changerait elle la donne ?

Le Conseil d'Administration d'ACCOR a décidé de changer la gouvernance de la société en réunifiant les fonctions de Président et Directeur Général, Gilles Pélisson devenant le PDG ce qui a entrainé la démission de 6 administrateurs dont Mr Weinberg ( ancien Président non exécutif ), Mr de Romanet de la CDC ( actionnaire à hauteur de 8% ) , Mr Prot de la BNP ...


Cette décision est très rare et montre qu'il est aujourd'hui difficile de s'opposer à des actionnaires qui représentent près de 30% du capital ( Eurazeo et Colony) car les quorums en Assemblée Générale sont inférieurs à 60%. Et pourtant, beaucoup d'actionnaires auraient certainement soutenu les administrateurs s'opposant à ce changement majeur de gouvernance qui revient à prendre le contrôle de fait sans déclencher une OPA.


Mr Weinberg dans une tribune aux Echos a le lendemain considéré qu'il fallait baisser le seuil de déclenchement des OPA pour empecher de telles prises de contrôle sans déclencher des OPA. Il s'appuie sur le rapport Field publié en fin d'année dernière visant à "rapprocher le seuil de l'offre obligatoire de la notion de contrôle de fait" et préconisant de ramener le taux de déclenchement des OPA à 25% ou 30% au lieu de 1/3 actuellement dans le but de protéger les intérêts des actionnaires minoritaires. Une telle proposition remet en cause toute la structure de notre droit actuel des minoritaires, car ce niveau de 1/3 est par essence lié au fait qu'en droit français avec 1/3 du capital un investisseur dispose de la minorité de blocage et peut donc bloquer le fonctionnement d'une société. Tout investisseur dépassant ce seuil est obligé de lancer une OPA. Modifier une telle disposition remet en cause l'équilibre voulue par le législateur pour obliger des actionnaires ayant la capacité de bloquer juridiquement une société à déclencher une OPA. Le rapport appuyait son analyse sur les quorums des Assemblées Générales du CAC 40 en 2008 (quorum qui a fortement augmenté depuis que le blocage des titres a été remplacé par un certificat du dépositaire).


Il est vrai que de nombreux dirigeants craignent aujourd'hui que des investisseurs détenant 10,15 ou 25% du capital ne prennent le contrôle d'une entreprise sans en payer le prix, par suite d'un faible quorum en Assemblée Générale. L'Assemblée d'Havas est souvent citée en exemple, mais l'on oublie toujours que 86% des investisseurs étaient présents ou ont voté par procuration ce jour là ... Peut on parler de prise de contrôle rampante ? Nous nous tromperions gravement en proposant de ramener ce seuil en dessous de 1/3 car comment justifier 20, 25, 30 ou 33% (et d'ailleurs le groupe de travail n'a pu se mettre d'accord) ? Une telle mesure ne résoudra pas, il me semble, le problème lié à l'arrivée d'un actionnaire minoritaire: avec 10% du capital il est possible aujourd'hui de contrôler un grand groupe de distribution du CAC 40, de changer sa gouvernance, de faire nommer les administrateurs que l'on souhaite au Conseil d'Administration...


Nos entreprises ont besoin d'actionnaires de long terme qui ont confiance dans la capacité des dirigeants à développer une stratégie à long terme. Ces actionnaires sont prêts à soutenir les dirigeants quand ils sont attaqués et n'ont pas qu'un regard financier quand ils doivent arbitrer entre deux stratégies. Décréter par ordonnance sans le soutien de ces actionnaires ne peut pas restaurer une confiance devenue aujourd'hui "critique alors même que le vent est contraire".


Chez Accor, comme chez Carrefour, il manque des actionnaires actifs capables de fédérer autour d'eux tous les actionnaires qui ne sont pas d'accord avec de telles pratiques, mais n'interviennent pas car ils sont avant tout gestionnaire d'actifs et non actionnaire.


PhiTrust depuis 5 ans s'est positionné comme actionnaire actif et intervient pour fédérer des actionnaires et défendre une meilleure gouvernance de nos sociétés. Le cas d'Accor est une fois de plus emblématique de la nécessité de se mobiliser pour défendre les meilleures pratiques de gouvernance. Ce n'est qu'à ce prix que nous pourrons amener les dirigeants à rechercher en permanence l'appui de tous leurs actionnaires et non seulement de certains d'entre eux.