Toute l'actualité de l'engagement actionnarial par PhiTrust


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Depuis plus de dix ans, nous croyons que l’éthique du management et la gouvernance ont un rôle fondamental au sein des entreprises dans lesquelles nous investissons pour le compte de nos clients.
Face aux défis immenses de la crise que nous vivons aujourd’hui, nous sommes de plus en plus convaincus que nos entreprises cotées en Europe ont besoin d’actionnaires minoritaires actifs qui les aident à développer des stratégies innovantes pour répondre aux enjeux financiers, commerciaux et sociaux de notre monde actuel, et nous essayons d’y contribuer par notre stratégie d’investissement.

13 décembre 2008

Comment Madoff a t il pu gruger autant de monde en 15 ans ?

Depuis plus de quinze ans Bernard Madoff proposait à quelques "happy few" triés sur le volet de leur gérer leurs actifs d'une façon "prudente". Sa stratégie de gestion permettait à des investisseurs d'avoir une performance entre 8 et 10% par an et ce de façon régulière.

Sa stratégie consistait à acheter des actions US et à vendre des stratégies d'option simples ou complexes, liquidant 3 ou 4 fois par an ses positions et donnant ainsi à ses investisseurs une apparente liquidité.

Plusieurs gérants avaient vainement tenté de répliquer cette stratégie pendant les années 90 sans succès et malgré cela Bernard Madoff avait réussi à convaincre des gestionnaires privés de créer des fonds exclusivement investis dans sa stratégie. En voulant y investir pour le compte de nos clients, nous avions pu regarder en 1996/98 les positions de deux fonds sans pouvoir en répliquer la stratégie ou en expliquer la performance. Deux éléments avaient attiré notre attention:
  • les options vendues étaient de gré à gré avec une structure détenue par Bernard Madoff et il avait été impossible de valider les prix retenus,
  • les dates d'échéance des stratégies correspondaient à la liquidité des fonds et quand un fonds était investi, l'autre ne l'était plus ... et inversement !
Nous en avions tiré deux conclusions:
  • soit il refinancait son activité de courtage à Wall street, il est vrai à un coût très élevé ( plus de 10% par an),
  • soit c'était une escroquerie ...
A l'occasion d'un voyage à NY en 1996, l'un des fonds avait demandé à Bernard Madoff si nous pouvions venir auditer l'équipe, ce qu'il avait refusé en prétextant qu'il ne voulait pas divulguer ses idées et méthodologies...

Ce refus et notre incapacité à comprendre sa stratégienous ont permis de ne pas investir dans ces fonds alors que régulièrement depuis 10 ans les mêmes gérants de fonds et bien d'autres en Europe expliquaient qu'il n'y avait aucun problème puisqu'il était possible de sortir sans problème, que la force de Madoff venait de son activité de courtage qui lui donnait accès à des informations que nous ne pouvions avoir en Europe, que l'ensemble des positions était identifiées sur les comptes de fonds au Bahamas ou au Luxembourg, qu'ils étaient audités ...

La leçon est rude pour tous les gérants de fonds de hedge funds, family office, banques qui ont conseillé à leurs clients d'investir dans cette stratégie "liquide et sans risque", et qui plus est ont commercialisé cette stratégie agressivement depuis un an.

L'AMF en France a même autorisé un de ces fonds logé au Luxembourg à être commercialisé en France tout récemment !!!

Et la conséquence est abyssale: 50 Milliards de $ de pertes ! presque autant qu'ENRON ... alors même que son auteur est l'une des personnalités les plus reconnues de Wall Street ... et alors même que le régulateur, les auditeurs n'ont rien vu venir !

Cette histoire n'est malheureusement que la conséquence de l'irresponsabilité de beaucoup de financiers depuis le début des années 1990.
  • Comment peut on juger d'une stratégie d'option même simple si on n'a pas été sur un desk d'option ? Tout trader d'option vous dirait que la stratégie mise en oeuvre par Madoff qui gagnait à tous les coups n'était pas réplicable.
  • Et malheureusement beaucoup d'intermédiaires financiers ont cru à cet escroc parce qu'ils n'ont jamais été dans une salle de trading d'options, parce que Bernard Madoff avait tout les atouts d'un succès reconnu à wall Street et que nous rêvons tous de pouvoir offrir une rentabilité régulière sans risques associés à nos clients !
La leçon de cette histoire est malheureusement très simple :
  • Toute performance supérieure au taux de marché sans risque implique un risque associé le plus souvent équivalent voire supérieur à la surperformance attendue.
  • Tout gérant financier ou trader qui cache ses outils et méthodes cache autre chose. Les financiers n'ont rien inventé et il n'y a pas de propriété intellectuelle, tout le monde pouvant répliquer des stratégies. Si ce n'est pas possible, il y a un loup quelque part.
  • Tout investisseur qui ne comprend pas un produit ou ne peut en évaluer les risques sous jacents doit s'abstenir d'y investir ou alors pour un très faible pourcentage de ses actifs.
  • Tout gérant ou trader si il gagne dans un contexte de marché, perdra de l'argent dans un autre contexte. aucune stratégie ou méthodologie ne peut être identique dans des contextes de marché différents. Ce qui implique qu'une même stratégie ne peut être toujours gagnante pendant 15 ans.
Mais ces vérités ne rendront pas leur épargne aux investisseurs, certains étant probablement beaucoup plus affectés que d'autres. Une question devra probablement être résolue: Comment cette escroquerie a t elle pu se passer à NY alors même que la régulation aurait dû l'empêcher et que les financiers et régulateurs y sont les plus avertis de la planète ?



Olivier de Guerre

30 novembre 2008

Le scandale des fonds de fonds alternatifs : L'AMF protège-t'elle les épargnants ou les banques ?

Les fonds de fonds alternatifs
La plupart des grandes banques françaises et étrangères ont proposé à leurs grands clients privés (high networth individuals) d'investir dans des fonds de fonds ayant un objectif de performance régulière. Investis dans des produits de gestion alternative dits "décorrélés" appelés par le grand public "hedge funds" ils étaient censés par une allocation diversifiée sur des méthodes de gestion non corrélées avoir une performance positive régulière quelle que soit l'évolution des marchés.

Des performances négatives en 2008
La crise actuelle des marchés a eu des effets dévastateurs pour cette classe d'investissement; la performance de la plupart de ces produits est négative, voire fortement négative alors que le discours de l'ensemble des banques était de dire que ce type de gestion permettrait de rééquilibrer un portefeuille en cas de baisse des marchés. Seuls quelques fonds spécifiques échappent à cette réalité.
Cette mauvaise performance est principalement due à plusieurs facteurs:
  • l'utilisation systématique de produits complexes ou dérivés dans les portefeuilles ( cdo's...) valorisés aujourd'hui avec de très fortes décotes sans possibilité de les revendre,
  • l'incroyable volatilité des marchés rendant très difficile toute stratégie d'arbitrage ou stratégie directionnelle,
  • la faillite de Lehman Brothers l'une des principales contreparties de ces fonds d'arbitrage.
Une absence totale de liquidité

La plupart des investisseurs ont alors souhaité vendre leurs fonds de fonds alternatifs, et qu'elle n'a pas été leur surprise de constater qu'ils avaient des "fenêtres" ( en anglais "gates") de sortie et qu'ils ne pouvaient toucher immédiatement leur argent, le gestionnaire leur rendant leur investissement au fur et à mesure de la liquidité qu'il a dans le fonds de fonds.

Quelle en est la raison ?

  • les hedge funds sont des fonds offshore immatriculés dans des paradis fiscaux pour la plupart, afin de bénéficier d'une plus grande liberté d'action et de pouvoir emprunter 2 à 5 fois le capital du fonds pour effectuer leurs arbitrages. Comme ils ont des dettes très largement supérieures à leur capital, ils ont depuis toujours des fenêtres de sortie afin de pouvoir gérer les sorties d'investisseur au fur et à mesure de la liquidité qu'ils ont dans leur fonds. Ces fenêtres imposent pour la plupart une sortie 90 jours voire 180 jours après l'ordre de vente.
  • Les fonds de hedge funds ont été créés pour diversifier le risque associé à ces hedge funds en partant du principe que des méthodologies de gestion très différentes pouvaient se combiner pour offrir une régularité de performance.
  • Afin de promouvoir ces fonds de fonds auprès de leur clientèle ou afin de répondre à la demande des autorités comme l'AMF, ces fonds de fonds offraient pour la plupart une liquidité hebdomadaire ou mensuelle permettant à tout souscripteur dit "qualifié" de céder rapidement ses parts si ils le souhaitaient.
Les investisseurs ont massivement vendus leurs parts en 2008 vu la tournure des marchés, et beaucoup d'entre eux n'ont toujours pas récupéré leur investissement.

Devant l'afflux des sorties, les banques ont demandé à l'AMF de leur permettre de mettre des fenêtres de sortie afin "de ne pas pénaliser les épargnants". Alors qu'elles étaient censées assurer la liquidité des ces fonds, comme elles n'ont plus de fonds propres, elles obtiennent du régulateur de fermer ces fonds ...

Un remake de l'été 2008 avec les fonds monétaires ? Oui mais bien plus grave que 2008 car le discours des banquiers a toujours été rassurant: des produits sans risque à volatilité maitrisée et liquide ...

Comment justifier de telles décisions qui ne pourront qu'amener les investisseurs à ne plus revenir sur ce type de produits, mais surtout à ne plus jamais faire confiance à leur banquier ?

Comment justifier la décision de l'AMF si ce n'est pour protéger les banques et les sociétés de gestion ?

Ces décisions sont à notre sens bien plus graves pour l'avenir des banques et des sociétés de gestion que tous les discours ambiants et ne peuvent qu'amplifier la peur et la défiance.

Olivier de Guerre
Phitrust Active Investors

15 novembre 2008

NON A LA BAISSE DU SEUIL DE DECLENCHEMENT DES OPA

Le rapport FIELD de la commission AMF sur les déclarations de franchissement de seuil évoque deux pistes qui me semblent revenir plus de dix ans en arrière ( Il est vrai qu'aucun investisseur n'a été invité à participer à ce groupe de travail ...).

La baisse du taux de déclenchement des OPA à 25, 30 % au lieu de 1/3 au prétexte de protéger les intérêts des actionnaires minoritaires me semble remettre en cause toute la structure de notre droit des minoritaires, ce niveau de 1/3 étant par essence lié au fait qu'en droit français avec 1/3 du capital un investisseur dispose de la minorité de blocage et peut donc bloquer le fonctionnement d'une société.

La crise actuelle même si elle fait peser des menaces de prise de contrôle vu le niveau de la bourse ne doit pas amener la Place de Paris à introduire par ordonnance une mesure qui ne résoudra pas le problème lié à l'arrivée d'un actionnaire minoritaire:

  • avec 10% du capital il est possible de contrôler Carrefour, de changer sa gouvernance, de faire nommer les administrateurs que l'on souhaite au Conseil...
  • certaines sociétés ont un actionnariat fort aujourd’hui ( plus de 25% ) et il ne viendrait à l’esprit de personne de les obliger à déclencher une OPA , sans compter que ces actionnaires ne le peuvent probablement pas.

Il nous est souvent avancé dans les discussions que nous avons depuis 5 ans avec les grands groupes du CAC 40 le cas Havas. Mais tout le monde semble avoir oublié que 86% des actionnaires avaient participé ou voté par correspondance. Peut on parler de prise de contrôle rampante ?

La meilleure défense est une bonne stratégie menée par un management de qualité soutenue par ses actionnaires qu’ils soient petits ou importants. De nombreuses sociétés françaises l’ont montré depuis quelques années et ont pu se protéger dans le cadre de la législation existante.

Si la question de la défense des sociétés se pose, il faudrait peut être plus se préoccuper aujourd’hui des sociétés cotées à Paris dont le siège social n’est pas en France et qui ne disposent pas d’une législation boursière comme la nôtre avec un cadre clair et précis pour les actionnaires et les entreprises. Le cas Arcelor en est un exemple édifiant. Toutes les pilules empoisonnées mises dans ses statuts n’ont pu empêcher l’OPA car le droit Luxembourgeois est encore balbutiant.

L'indice CAC 40 est composé de sociétés qui ne sont pas toutes de droit français. Il en ressort que l'épargnant français croit en investissant chez Mittal, EADS, STM ... qu'il a les mêmes droits que s'il investissait dans une société française, ce qui est faux le droit français protégeant beaucoup plus l'actionnaire que ce soit dans ses droits, que dans l'organisation du marché ( OPA ...).

Il me semble que ne devraient entrer dans le CAC 40 que des sociétés de droit français cotées à Paris et que la Place devrait recommander aux sociétés « françaises » d’être domiciliées à Paris pour bénéficier de son cadre législatif et boursier plus protecteur pour l’épargnant et pour l’entreprise.